
Langage et parole définissent l’humanité. L’humain dans ce qu’il a d’essentiel, à savoir la pensée et la conscience de soi, se développe par le langage, système de signifiants articulés et d’effets de signifiés. Le sujet humain a toujours existé par sa langue, jusqu’à preuve du contraire, celle qu’il met en acte pour le pire ou le meilleur de son destin.
A l’aube de la nouvelle « révolution industrielle 4.0 » (1), toutes les forces de la techno-science sont à l’œuvre pour nous annoncer un nouveau monde « algorithmé ». Les services de ressources humaines des entreprises, travaillant à recruter les employés et cadres du futurs les plus adaptés et optimisés, en appellent aux « soft skills » depuis quelques années maintenant, pour tenter d’arriver à faire exister dans la sphère professionnelle « l’importance et la richesse des compétences liées aux émotions et aux relations aux autres » (2).
Alors que les qualités relationnelles et sociales entre salariés (bienveillance, empathie, cohésion sociale, estime de soi, reconnaissance, encouragement, solidarité, entraide, etc) sont attendues aujourd’hui par les employeurs, la dynamique de l’urgence, la logique du chiffre, le culte de la performance économique, la robotisation, l’analyse informatique prédictive, les algorithmes numériques de décision poussent inexorablement à l’éradication de l’erreur humaine. Pour garder un semblant d’humanité dans un tel contexte professionnel, la démarche « soft skills » a été inventée pour promouvoir la mise en avant des « compétences humaines » (3) dans une logique d’optimisation comportementale de l’individu répondant à la demande de performance du marché (4).
Après les « soft skills », les services de recrutement des entreprises recherchent maintenant sur les « mad skills » (5). Est-ce le signe favorable d’une redécouverte de la « folie créative et ingénieuse » ? Celle qui s’exprime dans la parole singulière, l’expression libre, la contingence des idées qui peut nouer un nouveau destin à l’humanité. La plus grande des folies humaines n’est-elle pas celle qui cherche à éradiquer l’imperfection humaine ? Où commence donc la folie humaine et où s’arrête-elle ? (6)
Sources bibliographiques :
(1) « Industrie 4.0 : guide complet sur la quatrième révolution industrielle », Kevunie R., 12 juillet 2021 – https://www.objetconnecte.com/industrie-4-0-guide-complet/
(2) « Livre Blanc – Soft Skills – Observatoire des métiers du futur » (juin 2021) – page 9 – https://1h30.com/wp-content/uploads/2021/07/Livre-Blanc-Soft-Skills-Observatoire-des-Metiers-du-Futur.pdf
(3) « Vues sous cet angle, les soft skills deviennent alors un langage permettant de valoriser, d’objectiver et de mesurer les compétences humaines d’une personne au travers d’une démarche de réflexion croisée. » page 24 – « Livre Blanc – Soft Skills – Observatoire des métiers du futur » (juin 2021) -https://1h30.com/wp-content/uploads/2021/07/Livre-Blanc-Soft-Skills-Observatoire-des-Metiers-du-Futur.pdf
(4) « Anne Thevenet Abitbol, VP Prospective et New concepts chez Danone nous parle de sa vision de l’efficacité des programme Eve et Octave chez Danone : “Quand les gens entrent dans ce programme, ils arrêtent d’être des victimes, ils sont en mode solution, ils sont acteurs du changement, on transforme les gens profondément dans leurs attitudes” » . page 28 – « « Livre Blanc – Soft Skills – Observatoire des métier du futur » » (juin 2021) – https://1h30.com/wp-content/uploads/2021/07/Livre-Blanc-Soft-Skills-Observatoire-des-Metiers-du-Futur.pdf
(5) « Les mad skills dans le processus de recrutement » – 10 juillet 2020, source : https://www.chefdentreprise.com/Thematique/rh-management-1026/recrutement-personnel-2067/Breves/Les-mad-skills-processus-recrutement-350894.htm
(6) A relire : « Éloge de la folie » – Erasme- Edition Garnier-Flammarion